Danse et Karaté
Deux créations singulières ont été l'occasion pour Luc Petton de renouer avec l’une de ses premières passions, le Karaté: Polemos, en 1999 et Shatanyara en 2022.
Les deux oeuvres, très différentes -pièce de groupe/duo- s'appuient sur l'esprit des "katas" traditionnels qui intéressent tout particulièrement Luc Petton: "Les katas nous parlent de l’esprit de transmission entre générations, au-delà des frontières, temporelles, géographiques ou culturelles. Ce qu’ils véhiculent reste de la plus grande contemporanéité avec des notions telles que le dépassement de soi, la concentration, l’accordage corps-esprit. Des qualités qui sont également celles de la Danse. De prime abord le kata peut sembler vain et gratuit et de fait il ne « sert à rien ». C’est là sa principale qualité, ce « désœuvrement ». C’est un acte authentiquement philosophique puisqu’il permet de libérer quelque chose qui sinon serait resté dans l’ombre, une puissance à vivre. Dans un effort de dépouillement, à l’écoute de la nature intime des êtres et des choses, ils sont une puissance vitale à l’œuvre. Comme la danse, les katas ont un rapport subtil avec le rythme, les déplacements, les directions, les modulations de l’énergie".
Polemos - du duel au duo
En 1999, la 10e Biennale de danse du Val-de-Marne commande à Luc Petton une pièce chorégraphique autour du Karaté. Sur la scène du théâtre Romain Rolland de Villejuif, Luc Petton associe deux danseurs et trois champions mondiaux de karatéka. A travers cette création, il s’agit de redonner sa juste valeur à l’expression virile, loin des clichés emprunts de violence ou de mysticisme trop facilement attaché à l’image des Arts Martiaux. Loin aussi de l’acceptation journalistique qui fait de viril un synonyme de violent et belliqueux.
L’art martial ainsi conçu devient alors introspection en rapprochant nos connaissances kinésiologiques et nos sensations subjectives. Il implique une ouverture de sensibilité vers l’extérieur, vers l’autre comme le reflet de notre propre sensibilité intérieure. Il nous fait entrevoir un état possible de vacuité active. Cela exige un engagement existentiel où s’inscrivent l’émotion, la générosité, la douceur qui jaillissent directement de l’énergie que l’on apprend à maîtriser, à partager.
"Il faut distinguer le combat contre l’Autre et le combat entre-soi. Le combat-contre cherche à détruire ou à repousser une force. Le combat-entre est au contraire, le processus par lequel une force s’enrichit en s’emparant d’autres forces et en s’y joignant dans un nouvel ensemble, dans un devenir." Deleuze in « Pour en finir avec le jugement »
Shatanyara
En 2022, à l'occasion de l'exposition "L'arc et le sabre" au Musée Guimet des arts asiatiques de Paris, Luc Petton créée un duo dans lequel il conjugue l'apport du Karaté avec ce que les oiseaux lui ont appris de plus précieux, au cours des deux dernières décennies lors de ses spectacles pour oiseaux et danseurs: composer avec le pur jailli .
Pour cette aventure il convoque deux artistes exceptionnelles, l’une, Alexandra Feracci, multi championne de karaté Kata, membre de l’équipe de France qui a représenté la France aux JO de Tokyo et l’autre, Aurore Godefroy, l’une des danseuses emblématiques de ses spectacles avec oiseaux.
Ce duo est composé autour du kata traditionnel d’Okinawa, Shatanyara, datant du début 18ème siècle, revisité avec une sensibilité d’aujourd’hui avec deux femmes: "L’expression martiale n’est pas l’apanage des seuls hommes. C’est un sentiment vital qui vient du fond des âges et que parfois l’actualité remet à l’ordre du jour. Je choisi d’en confier le projet à deux interprètes féminines virtuoses de la modulation, capables toutes deux de trouver le calme dans le feu de l’action et l’intensité au cœur du silence".
SHATANYARA
Concept et chorégraphie - Luc Petton
Interprètes - Aurore Godfroy
Alexandra Ferracci